Le féminisme, son histoire et ses perspectives


Par féminisme, on entend généralement les aspirations des femmes à l’émancipation, à la liberté et à l’égalité, ainsi que la défense de leurs droits.

Un objectif commun du féminisme est l’abolition de l’oppression des femmes, du sexisme et du patriarcat, mais aussi un changement fondamental des normes sociales et du système de valeurs.

Il ne s’agit pas seulement de l’égalité sociale, politique et économique des sexes, mais le féminisme remet en question les rapports de pouvoir dans le but d’assurer l’égalité des chances, la dignité humaine et l’autodétermination de tous les êtres humains. Le féminisme se réfère à la fois à la recherche/science et à l’action politique.

Histoire du féminisme

Le féminisme, en tant que théorie et vision du monde, est né au 17ème siècle et s’est répandu à la fin du 18ème et au début du 19ème siècle à la suite des Lumières européennes sur l’individu libre et autodéterminé et dans le sillage des révolutions bourgeoises.
Les femmes ont critiqué le fait que les principes directeurs politiques « liberté, égalité, fraternité » n’incluaient pas les femmes.

Olympe de Gouges (1748-93)

1791 : La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne

parole femmeLes premières idées du féminisme européen se trouvent, entre autres, dans les écrits de Christine de Pizan, Olympe de Gouges et Mary Wollstonecraft.

En 1791, l’artiste, auteure et militante française Olympe de Gouges déclarait dans sa publication « La déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » : « La femme est née libre et reste égale à l’homme en droits« .

Son œuvre est l’un des textes les plus importants des débuts du féminisme. Elle a opposé aux 17 articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789), qui ne concernaient que les hommes, un texte conventionnel de 17 articles également, qui indiquait que la liberté, l’égalité et la fraternité ne pouvaient être légitimes sans les mêmes droits pour les femmes devant la loi.

Les femmes devraient en outre se voir accorder l’estime et la dignité qui leur sont dues.

Sa célèbre phrase « La femme a le droit de monter sur l’échafaud. De même, elle doit avoir le droit de monter à la tribune » s’est tragiquement réalisée pour elle. Elle fut exécutée par la guillotine en 1793 pour ses opinions politiques.

1789 : Révolution française

La première phase du mouvement des femmes a débuté au XVIIIe siècle et a été fortement influencée par l’objectif de la Révolution française, l’accent mis sur l’égalité de tous les êtres humains et les idées des Lumières. De nombreuses femmes ont participé aux soulèvements de l’époque.

Le 26 août 1789, l’Assemblée nationale française a promulgué la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui a marqué le début de la démocratie moderne. La célèbre « Marche des femmes vers Versailles », le 5 octobre 1789, a réuni un grand nombre de personnes.

emancipation-femmeLes femmes ont manifesté et participé à la lutte, mais les hommes ont continué à dominer après les révolutions. « Liberté, égalité, fraternité » postulait l’égalité de tous les hommes, mais excluait en même temps la moitié de l’humanité. Les femmes ont dû en faire l’expérience à plusieurs reprises au cours des décennies suivantes.

Les idées du mouvement féministe étaient là, mais les femmes de cette époque n’avaient guère la possibilité de s’organiser ou de s’engager en politique.

19ème siècle

Dans une grande partie du monde, les femmes ont commencé à s’organiser pour lutter pour plus de droits et de participation à cette époque de la seconde moitié du XIXe siècle.

Ce mouvement s’inscrivait toujours dans la situation politique du pays concerné et dépendait du contexte national.

Les révolutions, les luttes pour l’indépendance ou d’autres bouleversements sociaux ont créé un espace pour les revendications des femmes. Aux États-Unis, par exemple, le mouvement anti-esclavagiste, la première assemblée pour les droits des femmes en 1848 à Seneca Falls (État de New York) et l’engagement patriotique des femmes pendant la guerre civile de 1861-1865.

En 1920, le Congrès a finalement accordé le droit de vote à toutes les femmes américaines, mais des conditions spéciales ont été appliquées jusqu’en 1965 ( !), excluant de nombreuses femmes afro-américaines du droit de vote passif et actif.

Le mouvement féministe américain s’est donc trouvé dès le début à la croisée du féminisme et du racisme. C’était une différence essentielle entre le premier mouvement féministe américain de l’époque et le premier mouvement féministe européen.

Harriet Tubman (1822-1913) a été l’une des figures de proue de tous ces mouvements. Après s’être elle-même échappée de l’esclavage en 1849, elle s’est engagée contre l’esclavage et a lutté pour le droit de vote des femmes après la guerre civile.

Avec Sojourner Truth (1797-1883), elle fut l’une des rares femmes afro-américaines à se battre aux côtés des militantes américaines pour les droits civiques et féminins Susan B. Anthony (1820- 1906), Elizabeth Cady Stanton (1815-1902), Lucretia Mott (1793-1880) et bien d’autres.

20ème siècle

journee internationale droits femmesEn 1910, lors de la deuxième Conférence internationale des femmes socialistes à Copenhague (Danemark), Clara Zetkin et ses compagnes créent la Journée internationale des droits de la femme, dont l’objectif principal est de faire de l’agitation pour le droit de vote des femmes. L’idée est venue des États-Unis.

Les autres revendications de la conférence des femmes étaient :

  • une journée de 8 heures
  • un salaire égal pour un travail égal
  • une protection suffisante de la mère et de l’enfant
  • le droit de vote universel, égal et libre y compris pour les femmes.

1911 : Journée internationale de la femme

Le 19 mars 1911, la Journée internationale de la femme a été célébrée pour la première fois et le droit de vote des femmes a été réclamé haut et fort.

Avec cette manifestation, le mouvement prolétarien des femmes s’était transformé en mouvement de masse.

La lutte pour l’égalité des droits, le droit de vote des femmes et l’émancipation des ouvrières trouvait là son expression.

Plus d’un million de femmes sont descendues dans la rue en Allemagne, au Danemark, en Autriche, en Suisse et aux États-Unis.

Depuis 1921, elle est célébrée chaque année le 8 mars.

Simone de Beauvoir (1908-86)

Dans une perspective moins politique et plus philosophique, l’écrivaine et existentialiste française Simone de Beauvoir (1908-1986) a écrit en 1949 un livre intitulé « Le deuxième sexe ».

Il s’agit d’une observation scientifique des deux sexes, qui montre qu’une femme ne naît pas femme, mais qu’elle le devient en se voyant attribuer des rôles (par exemple, certains traits de caractère comme « réservé », « maternel », « ordonné », etc.

L’oppression des femmes est socialement déterminée, il n’y a pas de « nature du féminin » particulière. Ces idées ont eu une influence décisive sur les débats féministes qui ont suivi. Ainsi, l’idée de Beauvoir d’un « sexe social » anticipe, entre autres, le débat sur le genre des années 1990.

Conférence mondiale des Nations unies sur les femmes en 1975

En 1975, « Année internationale de la femme », une conférence mondiale des Nations unies sur les femmes s’est tenue pour la première fois à Mexico, avec des déléguées de 133 pays. Suite à cette conférence, l’UNIFEM, Fonds de développement des Nations unies pour la femme, a été créée en 1976. C’est une branche des Nations unies qui œuvre pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes dans le monde.

La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, rédigée lors de la conférence, a été ratifiée à ce jour par 189 pays. Les États se sont ainsi engagés à faire évaluer tous les quatre ans par un organe des Nations unies leurs progrès en matière d’égalité des femmes. Pour les mouvements féministes du monde entier, ce document est une référence importante dans la lutte pour plus de droits.

Mais la conférence a également mis en évidence les différences entre les organisations de femmes de la société civile du monde entier : les représentantes d’Amérique latine et d’Afrique ont reproché aux féministes des États-Unis et d’Europe occidentale de trop se concentrer sur la question de l’avortement. Elles ont préféré parler de développement, d’éducation, de paix et de démocratie.

1990 : Judith Butler (née en 1956) – « Gender Trouble »

En 1990, la philosophe américaine Judith Butler publie son premier livre – « Gender Trouble » ou « Le malaise des sexes ».

Ce livre est considéré comme son ouvrage le plus connu et a eu une grande influence sur la philosophie féministe et les études de genre. Butler y discute de la thèse selon laquelle non seulement le « genre » (les rôles sociaux des sexes), mais aussi le « sexe » (le sexe biologique) sont socialement construits. « Gender Trouble » est devenu la base du courant féministe queer.

Le féminisme queer

Le féminisme queer s’oppose aux féminismes différentialistes. Le féminisme queer différencie le type sexuel biologique entre mâle et femelle du genre entre masculin et féminin.

La pensée postpatriarcale

Outre le féminisme queer et le féminisme pour l’égalité, d’autres impulsions ont été données au débat féministe dans les années 1990, comme la « pensée postpatriarcale ».

Cette expression est d’Ina Praetorius, qui reprend une idée de la philosophe italienne Luisa Muraro, qui a parlé pour la première fois de la « fin du patriarcat » dans un article de 1995. Il s’agit moins d’une description historique de la situation que d’un changement de perspective pour la pensée et la pratique féministes, qui sont devenues très influentes dans les pays germanophones.

Les points essentiels sont à peu près les suivants : ne plus partir des déficits des femmes, mais de leurs ressources, de leurs souhaits et de ce qu’elles apportent. La question de la responsabilité des femmes elles-mêmes remplace une simple résistance au « patriarcat » ou aux « hommes ».

Ce changement de perspective était également lié à l’évolution de la réalité, les femmes étant de plus en plus présentes au sein des institutions et occupant des postes influents. La question de savoir comment elles utilisent leur influence est donc devenue plus importante.

Egalité des femmes en politiques, économie et la société en général

feminismeDès les années 1980, les femmes de nombreux pays se sont battues pour que l’égalité des sexes soit activement mise en œuvre au sein des institutions politiques.

La quatrième conférence mondiale des Nations unies sur les femmes, qui s’est tenue à Pékin en 1995, est considérée comme une étape importante. Elle a abouti à un catalogue dans lequel les États se sont engagés à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes non seulement en politique, mais aussi dans l’économie et la société.

Une distinction a été faite entre le « sexe » (sexe biologique) et le « genre » (sexe social).

La reconnaissance et la stratégie du « gender mainstreaming » reposent sur le fait qu’aucune norme sociale ne peut être déduite du sexe biologique, mais que les sexes sont formés par l’éducation et la société. L’UE a également adopté cette stratégie en 1997 par le biais du traité d’Amsterdam.

De nombreuses institutions ont recruté des déléguées aux droits des femmes et à l’égalité.

La troisième vague du féminisme

Le terme de « troisième vague » du féminisme est originaire des États-Unis (« Third Wave Feminism ») et a été créé à la suite d’un appel lancé par Rebecca Walker (née en 1969) qui, en 1992, a commenté une décision de justice acquittant un violeur comme suit :

« J’écris cela comme un appel à toutes les femmes, en particulier celles de ma génération : soyez en colère contre ce rejet de l’expérience d’une femme. Transformez cette colère en pouvoir politique. Ne votez pas pour eux tant qu’ils ne travaillent pas pour nous. Ne couchez pas avec eux, ne rompez pas le pain avec eux, ne les nourrissez pas, à moins qu’ils ne donnent la priorité à votre liberté de disposer de vos corps et de vos vies. Je ne suis pas une féministe post-féministe. Je suis la troisième vague ».

En 1995, Walker a publié un recueil d’essais intitulé « To be real. Telling the Truth and Changing the Face of Feminism », une sorte d’ouvrage de référence de la « troisième vague » de féministes américaines.

Avec le titre « To be real », Walker reprend une expression qui a également été importante pour la « deuxième vague » du mouvement féministe : dans les années 1970, le féminisme s’était penché sur la question de savoir ce qu’était une « vraie » femme, se libérant ainsi des attributions et des impositions qui voulaient cantonner une « vraie » femme à un rôle précis.

Rebecca Walker et les autres auteurs de ce volume se sont penchés sur la question de savoir ce qu’est une « vraie » féministe et ont ainsi abordé le pluralisme des femmes et la ou les subjectivités féminines.

A partir de là, de nombreuses initiatives, publications et actions ont vu le jour aux Etats-Unis à la fin des années 1990 autour de la notion de « troisième vague », en particulier la « Third Wave Foundation », fondée en 1997 par Walker elle-même avec d’autres, et qui est toujours active aujourd’hui.

Féminismes dans le monde

Le féminisme et les mouvements féministes à l’Est et à l’Ouest, au Sud et au Nord sont divers, colorés et différents, voire même parfois incompatibles et contradictoires.
Il existe des idées, des préoccupations et des courants qui se reflètent dans différentes catégories, notamment

  • féminisme de l’égalité versus féminisme de la différence,
  • moderne versus postmoderne,
  • matérialisme versus idéalisme,
  • essentialisme versus constructivisme,
  • le féminisme identitaire et le postféminisme radicalement critique vis-à-vis de l’identité.

Depuis les années 1990, on constate une multiplication du féminisme global, avec pour conséquence que les « classements » actuels ne suffisent pas à en montrer toute la richesse. Il faudrait plutôt parler de « féminismes ».

Ce qu’il faut retenir, c’est que la force et la « faiblesse » du féminisme résident dans sa diversité. La « multiplication », les luttes d’interprétation virulentes et l’éclatement rendent souvent difficile une solidarité commune.

Dans les années 1980 et 1990, le féminisme n’était plus visible en tant que mouvement commun. Il y a rarement eu un seul mouvement commun, mais des actions communes sur des thèmes spécifiques, par exemple des grèves de femmes, des protestations contre le harcèlement sexuel.

Le féminisme au 21ème siècle

Jusqu’à aujourd’hui, le mouvement des femmes s’est de plus en plus ancré dans l’État et la société : par le biais de ses propres institutions, associations et chaires/centres de recherche sur l’égalité des sexes, ainsi que par des services chargés de l’égalité dans les administrations et les entreprises.

L’institutionnalisation du mouvement des femmes a eu pour conséquence, d’une part, que des thèmes tels que la violence à l’égard des femmes ou les possibilités de qualification et de promotion professionnelles ont été de plus en plus transférés dans ces services.

Le féminisme est visible dans le discours public.

#metooUn des points forts a été les débats sur le harcèlement sexuel, notamment dans le milieu culturel américain, à l’automne 2017 sous le hashtag #metoo.

Les femmes se solidarisent ensemble dans le monde entier par le biais d’Internet et atteignent une grande attention. Des agressions commises par des hommes (célèbres) ont ainsi pu être révélées au grand public, avec pour conséquence la condamnation ou le licenciement de certains auteurs.

Pour la nouvelle génération de féministes, l’égalité fait souvent partie du quotidien et les grands combats ont déjà été menés. Les femmes d’aujourd’hui attachent de l’importance à la liberté de choix individuel et à leur propre style de vie. Elles se concentrent sur la conciliation de la vie familiale et professionnelle et sur leurs propres opportunités de carrière. Elles revendiquent une influence médiatique et se révoltent contre la transmission de stéréotypes tant via leds médias que les ouvrages scolaires.

La violence envers les femmes, le sexisme et l’autodétermination restent des thèmes pertinents. De même, un nouveau débat se développe sur le travail lié à la personne dans les domaines du ménage, de l’éducation et des soins, qui est encore majoritairement effectué par les femmes, qu’elles soient rémunérées ou non.

Aujourd’hui, l’agenda antiféministe cible des forces populistes de droite, nationalistes et religieuses fondamentalistes remet à l’ordre du jour des questions qui semblaient réglées, comme la possibilité d’avorter ou la remise en question des délégués à l’égalité et des études de genre.

Perspectives des féminismes

Le nouveau féminisme aborde en particulier les identités de genre. La diversité des genres est la nouvelle perspective. Elle souligne l’égalité des droits et l’existence de multiples identités sexuelles et de genre qui ne correspondent pas au « modèle classique (hétérosexuel) homme-femme ».

lgbtqiaL’abréviation LGBTQIA signifie lesbiennes, gays, bisexuels, trans, transsexuels, queers, intersexués et asexués.

Aujourd’hui, il existe un lien étroit entre le féminisme et d’autres « politiques identitaires » qui font référence aux discriminations liées à la couleur de peau, à l’ethnicité, à l’orientation sexuelle, à l’appartenance à une classe sociale, aux handicaps et à l’âge.

Il montre que les féminismes ne se réfèrent pas exclusivement aux problèmes des femmes blanches de la classe moyenne.

Le terme « intersectionnalité » fait référence à l’imbrication et à l’association de multiples formes de discrimination. Ce terme, inventé en 1989 par la juriste afro-américaine Kimberley Crenshaw, est devenu un standard important dans les débats féministes.